Page:Zola - Fécondité.djvu/591

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gouffre, le grand cri terrible. Peut-être n’y avait-il rien de tout cela, puisqu’elle n’entendait rien. D’en bas, la clameur serait montée, en une vague grandissante, tandis qu’un galop éperdu, à travers l’escalier et les couloirs, lui aurait apporté la nouvelle. Puis, de nouveau, elle perçut le petit bruit, très lointain, qui se rapprochait pourtant. Ce n’était point une foule, à peine un pas isolé, sans doute le pas d’un promeneur sur le quai. Mais non, cela sortait de l’usine, très distinct maintenant, d’abord gravissant des marches, puis filant le long d’un corridor. Et les pas se précipitèrent, et une respiration haletante se fit entendre, si tragique, qu’elle sentit enfin l’horrible chose venir. La porte s’ouvrit violemment.

Ce fut Morange qui entra. Il était seul, bouleversé, la face blême, la parole bégayante.

« Il respire encore, mais il a le crâne défoncé, c’est fini.

— Qu’avez-vous ? demanda-t-elle. Qu’arrive-t-il ? »

Béant, il la regarda. Il était monté en courant, pour lui demander une explication, tant sa pauvre tête se perdait, devant une catastrophe qui confondait toutes ses idées. L’apparente ignorance, la tranquillité où il la retrouvait, achevaient de l’égarer.

« Mais, cria-t-il, je vous ai laissée près de la trappe.

— Près de la trappe, oui. Vous êtes descendu et moi je suis rentrée ici directement.

— Mais, reprit-il avec une violence désespérée, avant de descendre, je vous ai priée de m’attendre là, de garder le trou pour que personne ne tombe.

— Ah ! çà, non ! vous ne m’avez rien dit, ou, du moins, je n’ai rien entendu, je n’ai rien compris de pareil. »

Terrifié, il continuait à la regarder dans les yeux. Elle mentait sûrement. Elle avait beau être très calme, il