Page:Zola - Fécondité.djvu/606

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de bonnes joues roses, au grand air de Chantebled. D’ailleurs, elle avait fixé sa vie, elle vieillirait là, en la paix de cette maison hospitalière, se donnant toute à ses deux enfants, bien heureuse de cette grand-mère, de ce grand-père si tendres, qui l’aideraient, la soutiendraient. Toujours elle s’était montrée un peu en dehors de l’existence, d’un charme de rêveuse n’ayant que le besoin d’aimer, d’être aimée. Elle se reprit doucement à vivre, quand elle fut installée avec ses beaux-parents, dans l’ancien pavillon que Mathieu aménageait pour eux trois.

Elle se remit même au travail, voulut s’occuper, sans compter sur son intérêt dans l’usine, peignit des miniatures que lui achetait un marchand de Paris. Mais, surtout, après ses couches, le réconfort, la guérison de tant de douleurs, ce fut son petit Guillaume, le cadeau de son mari mourant, l’enfant en qui ressuscitait le père, qui semblait le rendre à sa tendresse d’épouse. Et il en était de même pour Marianne, depuis que son Benjamin était né, un fils encore qui remplaçait le fils perdu, un revenant lui aussi, qui reprenait dans son cœur la place laissée vide. Alors, les deux femmes, les deux mères, goûtèrent une douceur infinie à nourrir ensemble les deux chers petits consolateurs. Elles s’oubliaient en eux, les regardaient croître côte à côte, leur donnaient le sein aux mêmes heures, comme pour ne point les séparer, dans leur désir commun de les voir devenir très forts, très beaux, très bons. Bien que l’une eût presque le double de l’âge de l’autre, elles se retrouvaient sœurs, le même lait nourricier coulait de leur gorge féconde. Et leur deuil s’éclairait, elles en arrivaient à rire quand riaient leurs petits anges, et rien n’était plus gai ni plus touchant que cette belle-mère et cette bru confondues ainsi, n’ayant qu’un berceau, dans une floraison sans fin de maternité.

« Prenez garde, cachez vos aquarelles, dit Mathieu.