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Page:Zola - Fécondité.djvu/615

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partout, dans la science, dans la politique, dans les lettres et les arts eux-mêmes. La liberté était déjà morte. La démocratie en exaspérant les instincts d’ambition, en déchaînant la lutte des classes pour le pouvoir, aboutissait au rapide effondrement social. Il n’y avait plus que la populace, les humbles, les pauvres, qui faisaient encore des enfants, par stupidité, sur leur fumier d’ignorance et de misère. Quant à l’élite, aux intelligents, aux riches, ils enfantaient de moins en moins, ce qui permettait d’espérer, avant l’heureux anéantissement final, une dernière période de civilisation acceptable, lorsqu’on serait entre soi, très peu, quelques hommes et quelques femmes, parvenus au raffinement suprême, ne vivant plus que d’odeurs, ne jouissant plus que de souffles. Mais il se disait dégoûté, certain maintenant de ne pas voir cette époque trop lente à venir.

« Encore, si le christianisme, revenant à la foi première condamnait la femme, comme impure, diabolique et néfaste, on irait revivre la vie sainte au désert, on en finirait plus vite. Ce qui m’enrage, c’est ce catholicisme politique, qui, pour vivre lui-même, règle et tolère l’ignominie du mariage, en couvrant ainsi l’ordure et le crime d’enfanter… Dieu merci ! si j’ai péché moi-même, si j’ai mis au monde des malheureux de plus, j’ai la douceur de croire qu’ils rachèteront ma faute, en restant eux-mêmes inféconds. Gaston dit qu’il ne se mariera pas, qu’un officier ne doit avoir d’autre femme que son épée ; et, quant à Lucie, depuis le jour où elle a prononcé ses vœux, aux ursulines, je suis bien tranquille… Ma race est morte, c’est ma joie. »

Mathieu écoutait en souriant. Il connaissait ce pessimisme littéraire. Autrefois, de tels arguments, la civilisation en lutte avec la natalité, l’infécondité relative des plus intelligents, des plus forts, l’avaient troublé. Mais, dès le moment où il avait lutté pour l’amour, la simple