Page:Zola - Fécondité.djvu/647

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— Oh ! madame, c’est mon frère qui est tombé, là-bas, et qui s’est cassé la jambe.

— Comment, tombé ? D’où tombé ?

— Oh ! oui, madame, il y a un hangar où nous couchons, parce que nous n’avons pas de chambre, et il s’est servi d’une vieille échelle pour empêcher la pluie de nous couler sur la tête, et qui s’est cassé la jambe. »

Elle éclata en sanglots, demandant ce qu’ils allaient devenir, bégayant qu’elle se désespérait là depuis dix minutes, sans que personne vint à leur secours, par cette pluie et ce froid de chien. Pendant ce temps, les cris pitoyables, les plaintes douloureuses redoublaient, au fond du terrain vague.

Le cœur bouleversé, Mme Angelin eut pourtant une hésitation de défiance.

« Il faut courir chercher un médecin, ma pauvre enfant. Moi, je ne puis rien faire.

— Oh ! si, madame, venez… Je ne sais pas où ça se trouve, un médecin… Venez, nous le ramasserons, car je ne puis pas, à moi toute seule, et nous le mettrons au moins sous le hangar, pour que la pluie ne tombe plus sur lui. »

Cette fois, elle céda, tant l’accent lui parut vrai. Ses continuelles visites dans les bouges, où le crime poussait sur le fumier de misère l’avaient rendue brave. Elle dut fermer son parapluie, quand il lui fallut, entre les planches rompues, se glisser par le trou, à la suite de la fille qui filait devant elle, dans sa loque de châle, la tête nue mince et souple comme une chatte.

« Donnez-moi la main, madame… Prenez garde, parce qu’il y a des rigoles… C’est là-bas, au fond. Vous entendez, comme il souffre, le pauvre frère ?… Là, nous y sommes. »

Alors, ce fut foudroyant et sauvage. Les trois bandits, Alexandre, Richard et Alfred, terrés dans l’ombre, bondirent,