Page:Zola - Fécondité.djvu/67

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— Voyons, répétait le romancier désespéré, je lui ai évité l’enfant.

— Parbleu ! s’écria-t-elle, nous l’évitons toutes, il n’y a plus d’héroïsme à cela, c’est l’ordinaire bourgeois… Anne-Marie, pour nous hausser le cœur, doit être le marbre sans tache, et les baisers de Norbert ne peuvent marquer sur elle.

Mais elle fut interrompue, la femme de chambre, Céleste, une grande fille brune, avec une tête de cheval, aux traits forts, d’air agréable, amenait les deux enfants. Gaston avait cinq ans, et Lucie trois, l’un et l’autre d’une pâleur de roses fleuries à l’ombre, délicats et minces. Ils étaient blonds comme leur mère, le garçon tirant sur le roux, la fille décolorée, couleur d’avoine, et ils avaient aussi ses yeux bleus, tout en ayant le visage plus allongé du père. Frisés, vêtus de blanc, tenus avec une coquetterie extrême, ils ressemblaient à de grandes poupées vivantes, d’une fragilité précieuse. L’orgueil mondain du père et de la mère fut flatté, et ils exigèrent que les petits jouassent leur rôle.

— Eh bien ! on ne dit bonsoir à personne ?

Les enfants, sans timidité, habitués au monde déjà, regardaient les gens en face. S’ils se hâtaient peu, c’était par paresse naturelle, n’aimant point obéir. Pourtant, ils consentirent, ils se firent embrasser.

— Bonsoir, bon ami Santerre.

Puis, ils hésitèrent devant Mathieu. Il fallut que le père leur rappelât le nom du monsieur, qu’ils avaient vu pourtant deux ou trois fois.

— Bonsoir, monsieur Froment.

Valentine les prit, les souleva, les étouffa de caresses. Elle les adorait, et, dès qu’elle les avait reposés à terre, les oubliait.

— Alors, maman, tu t’en vas encore ? demanda le petit garçon.