Page:Zola - Fécondité.djvu/754

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rectifiait, on faisait appel à leur mémoire. Et ils riaient aussi, ils avaient un geste de délicieuse erreur. Ça n’avait pas d’importance, s’ils ne savaient plus, car c’était toujours de leur moisson. Puis, il y avait là des femmes enceintes, des petites-filles, des arrière-petites-filles, qu’ils appelaient, qu’ils voulaient embrasser aussi, pour porter bonne chance aux enfants encore qui allaient naître, des enfants de leurs enfants, à l’infini, une race qui s’élargirait toujours, qui les continuerait au lointain des âges. Puis, il y avait là des mères en train de nourrir, celles dont les enfants au maillot avaient dormi sagement, pendant le repas ; et, maintenant qu’ils étaient réveillés, criant la faim, elles devaient leur servir leur part du régal, elles leur donnaient le sein, assises sous les arbres, s’égayant entre elles, la gorge libre, dans une sérénité fière. C’était la royale beauté de la femme, épouse et mère, c’était la décisive victoire de la maternité féconde sur la virginité tueuse de vie. Que les mœurs soient donc changées, et l’idée de morale, et l’idée de beauté, et qu’on refasse un monde avec cette beauté triomphante de la mère qui allaite l’enfant, dans la majesté de son symbole ! Toujours de nouvelles semences enfantaient des moissons nouvelles, le soleil toujours remontait de l’horizon, le lait ruisselait sans fin des gorges nourricières, sève éternelle de l’humanité vivante. Et ce fleuve de lait charriait la vie à travers les veines du monde, et il se gonflait et il débordait, pour les siècles infinis.

Le plus de vie possible, pour le plus de bonheur possible. Tel était l’acte de foi en la vie, l’acte d’espoir en son œuvre juste et bonne. La fécondité victorieuse restait la force indiscutée, la puissance souveraine qui seule faisait l’avenir. Elle était la grande révolutionnaire, l’ouvrière incessante du progrès, la mère de toutes les civilisations, recréant sans cesse l’armée de ses lutteurs innombrables, jetant au cours des siècles des