Page:Zola - Fécondité.djvu/77

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— Mais, dit Mathieu, cet enfant, ne risquez vous pas de le faire à ces belles filles de hasard, ramassées dehors ? ça n’est pas plus drôle que chez vous, s’il faut que vous fraudiez aussi avec elles.

Beuuchêne se calma, l’air étonné par cette objection, qu’il n’avait pas prévue.

— On fraude, on fraude, c’est-à-dire qu’un homme un peu convenable prend tout de même des précautions… Et puis, ces filles qui s’amusent n’en font jamais d’enfant, c’est connu. On les paye, d’ailleurs, c’est à elles de s’arranger, de prévoir les risques du métier… Enfin, mon cher, comment voulez-vous qu’on sache si on leur a fait un enfant, puisqu’on ne les revoit pas, et qu’en admettant à la rigueur qu’on les retrouve enceintes, un jour, elles ne peuvent pas dire elles-mêmes de quel monsieur elles le sont ?… L’enfant, mais il n’est de personne, ça n’existe pas, avec les filles !

Rasséréne, remis d’aplomb, sans remords aucun, sans scrupule inquiet pour son plaisir de la nuit, il s’arrêta au coin de la rue Caumartin. C’était dans une maison de cette rue, au fond de la cour, qu’il avait, pour ces sortes d’aventures, une chambre à lui, dont la concierge faisait le ménage. Et, ne se gênant pas avec une de ses ouvrières, il avait simplement donné rendez—vous à la belle blonde sur le trottoir, devant la porte.

De loin, Mathieu reconnut Norine, debout sous un bec de gaz. Elle était immobile, en petite robe claire, et ses beaux cheveux, débordant de son chapeau rond, avaient un fauve reflet d’or, dans la lueur dansante.

Très excité, Beauchêne rayonna, allongea au jeune homme une vigoureuse poignée de main, pleine de sous-entendus gaillards.

— Eh bien ! à demain, mon cher. Bonne nuit !

Et, se penchant une dernière fois à son oreille :

— Vous savez qu’elle est maligne comme un singe.