Page:Zola - Fécondité.djvu/84

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comme des bêtes mauvaises, dont la venue au jour désolerait l’existence. Puis, dans ce Paris de chaque soir, en route pour l’accouplement infécond, la leçon profitait : c’était le couple d’intense culture, exaspéré de nervosisme littéraire, fanfaron des opinions extrêmes, payant la dette de son raffinement, se refusant à l’acte ; c’était le couple de la haute industrie, du haut commerce, qui tenait le livre de ses nuits, comme le livre de ses comptes courants, se surveillant pour que la balance s’établit toujours par zéro ; c’était le couple des professions libérales, aussi bien que celui des classes moyennes, le petit commerçant, le petit employé, après l’avocat, le médecin, l’ingénieur, dont les précautions redoublaient, à mesure que la lutte de vanité et d’argent se faisait plus sauvage ; c’était même le couple ouvrier, que pourrissait l’exemple d’en haut, chaque jour plus savant dans la pratique du tout à l’égout, pour la seule joie du plaisir. Encore un instant, et, lorsque minuit sonnerait, la menace de l’enfant allait terroriser Paris. Les maris n’en voulaient plus faire, les femmes ne voulaient plus qu’on leur en fit. Les amantes elles-mêmes, au milieu du délire de la passion, veillaient avec soin sur les oublis possibles. Si, d’un geste, on avait ouvert toutes les alcôves, on les aurait trouvées presque toutes stériles, par débauche, par ambition, par orgueil, celles des braves gens comme celles des autres, dans une perversion qui transformait les bas calculs en beaux sentiments, l’égoïsme en prudente sagesse, la lâcheté à vivre en honnêteté sociale. Et c’était là le Paris qui voulait mourir, tout le déchet de vie perdu dans une nuit de Paris, le flot de semence détourné de son juste emploi, tombé au pavé où rien ne poussait, Paris enfin mal ensemencé, ne produisant pas la grande et saine moisson qu’il aurait dû produire.

Un souvenir s’éveilla chez Mathieu, la parole de ce conquérant, qui, au soir d’une bataille, devant la plaine