Page:Zola - Fécondité.djvu/86

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d’œufs de poissons, un orage brusque renverse les nids, anéantit la ponte de tout un printemps. À chaque pas que l’homme fait, il écrase des univers, empêche l’éclosion d’un peuple innombrable d’infiniment petits. C’est un effroyable gaspillage d’existences qui n’a d’égal que l’effroyable profusion de la poussière d’enfantement, soulevant la terre et les eaux, volant par les airs, sous l’ardeur fécondante du soleil. Et toute existence détruite redevient de la vie, fermente en un bouillonnement nouveau, s’épanouit en une nouvelle poussée d’êtres, à l’infini. Mais l’homme seul veut la destruction, la médite et l’exécute, dans un but égoïste, pour sa joie solitaire. Lui seul s’efforce de rapetisser la création à son profit, tâche de la réduire, de l’arrêter même, ne limitant l’espèce née de lui que pour accroître sa jouissance. Si la tempête emporte les œufs déposés sur les sables, si l’orage renverse les nids en cassant les branches, c’est l’homme seul qui, volontairement, souille et détruit la semence de l’homme, par un goût monstrueux du néant, la volupté noire du spasme de l’organe, dont il abolit la fonction. Il y a crime, il y a aussi bêtise, et quel rêve de grandeur et de force, que toute l’humanité à naître acceptée, utilisée, peuplant le vaste monde, où des continents entiers sont, jusqu’à ce jour, restés presque déserts ! Est-ce qu’il y aura jamais trop de vie ? est-ce que le plus de vie possible n’est pas également le plus de puissance, le plus de richesse, le plus de bonheur ? Tout le globe en est gros, les entrailles soulevées, tressaillantes, comme celles d’une femme enceinte. Il éclate de sève, dans le continuel enfantement du futur, du peuple universel et fraternel qu’il aura mis des mille ans à engendrer. C’est la foi en tout ce qui naît, en tout ce qui grandit, c’est l’espoir mis dans toutes les forces créatrices, agissant librement pour l’heureuse, la vigoureuse expansion humaine, c’est l’amour passionné de la vie qui fait le