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GERMINAL.

— Oh ! non, oh ! non, murmura-t-elle, je t’en prie, laisse-moi !

La peur du mâle l’affolait, cette peur qui raidit les muscles dans un instinct de défense, même lorsque les filles veulent bien, et qu’elles sentent l’approche conquérante de l’homme. Sa virginité, qui n’avait rien à apprendre pourtant, s’épouvantait, comme à la menace d’un coup, d’une blessure dont elle redoutait la douleur encore inconnue.

— Non, non, je ne veux pas ! je te dis que je suis trop jeune… Vrai ! plus tard, quand je serai faite au moins.

Il grogna sourdement :

— Bête ! rien à craindre alors… Qu’est-ce que ça te fiche ?

Mais il ne parla pas davantage. Il l’avait empoignée solidement, il la jetait sous le hangar. Et elle tomba à la renverse sur les vieux cordages, elle cessa de se défendre, subissant le mâle avant l’âge, avec cette soumission héréditaire, qui, dès l’enfance, culbutait en plein vent les filles de sa race. Ses bégaiements effrayés s’éteignirent, on n’entendit plus que le souffle ardent de l’homme.

Étienne, cependant, avait écouté, sans bouger. Encore une qui faisait le saut ! Et, maintenant qu’il avait vu la comédie, il se leva, envahi d’un malaise, d’une sorte d’excitation jalouse où montait de la colère. Il ne se gênait plus, il enjambait les poutres, car ces deux-là étaient bien trop occupés à cette heure, pour se déranger. Aussi fut-il surpris, lorsqu’il eut fait une centaine de pas sur la route, de voir, en se tournant, qu’ils étaient debout déjà et qu’ils paraissaient, comme lui, revenir vers le coron. L’homme avait repris la fille à la taille, la serrant d’un air de reconnaissance, lui parlant toujours dans le cou ; et c’était elle qui semblait pressée, qui voulait rentrer vite, l’air fâché surtout du retard.