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GERMINAL.

sine. Catherine parut, poussant devant elle Lénore et Henri qu’elle venait d’habiller ; et onze heures sonnaient, l’odeur du lapin qui bouillait avec des pommes de terre, emplissait déjà la maison, lorsque Zacharie et Jeanlin descendirent les derniers, les yeux bouffis, bâillant encore.

Du reste, le coron était en l’air, allumé par la fête, dans le coup de feu du dîner, qu’on hâtait pour filer en bandes à Montsou. Des troupes d’enfants galopaient, des hommes en bras de chemise traînaient des savates, avec le déhanchement paresseux des jours de repos. Les fenêtres et les portes, grandes ouvertes au beau temps, laissaient voir la file des salles, toutes débordantes, en gestes et en cris, du grouillement des familles. Et, d’un bout à l’autre des façades, ça sentait le lapin, un parfum de cuisine riche, qui combattait ce jour-là l’odeur invétérée de l’oignon frit.

Les Maheu dînèrent à midi sonnant. Ils ne menaient pas grand vacarme, au milieu des bavardages de porte à porte, des voisinages mêlant les femmes, dans un continuel remous d’appels, de réponses, d’objets prêtés, de mioches chassés ou ramenés d’une claque. D’ailleurs, ils étaient en froid depuis trois semaines avec leurs voisins, les Levaque, au sujet du mariage de Zacharie et de Philomène. Les hommes se voyaient, mais les femmes affectaient de ne plus se connaître. Cette brouille avait resserré les rapports avec la Pierronne. Seulement, la Pierronne, laissant à sa mère Pierron et Lydie, était partie de grand matin pour passer la journée chez une cousine, à Marchiennes ; et l’on plaisantait, car on la connaissait, la cousine : elle avait des moustaches, elle était maître-porion au Voreux. La Maheude déclara que ce n’était guère propre, de lâcher sa famille, un dimanche de ducasse.

Outre le lapin aux pommes de terre, qu’ils engraissaient dans le carin depuis un mois, les Maheu avaient une soupe grasse et le bœuf. La paie de quinzaine était