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GERMINAL.

que tournait la herscheuse. Et il disait non, amusé pourtant, mais sans avoir la moindre envie d’elle. Quelques minutes encore, elle resta plantée derrière la haie, le regardant de ses grands yeux fixes ; puis, elle s’en alla avec lenteur, le visage brusquement sérieux, comme accablée par le lourd soleil.

À demi-voix, Étienne avait repris de longues explications qu’il donnait à Maheu, sur la nécessité, pour les charbonniers de Montsou, de fonder une caisse de prévoyance.

— Puisque la Compagnie prétend qu’elle nous laisse libres, répétait-il, que craignons-nous ? Nous n’avons que ses pensions, et elle les distribue à son gré, du moment où elle ne nous fait aucune retenue. Eh bien ! il serait prudent de créer, à côté de son bon plaisir, une association mutuelle de secours, sur laquelle nous pourrions compter au moins, dans les cas de besoins immédiats.

Et il précisait des détails, discutait l’organisation, promettait de prendre toute la peine.

— Moi, je veux bien, dit enfin Maheu convaincu. Seulement, ce sont les autres… Tâche de décider les autres.

Levaque avait gagné, on lâcha les quilles pour vider les chopes. Mais Maheu refusa d’en boire une seconde : on verrait plus tard, la journée n’était pas finie. Il venait de songer à Pierron. Où pouvait-il être, Pierron ? sans doute à l’estaminet Lenfant. Et il décida Étienne et Levaque, tous trois partirent pour Montsou, au moment où une nouvelle bande envahissait le jeu de quilles de l’Avantage.

En chemin, sur le pavé, il fallut entrer au débit Casimir, puis à l’estaminet du Progrès. Des camarades les appelaient par les portes ouvertes : pas moyen de dire non. Chaque fois, c’était une chope, deux s’ils faisaient la politesse de rendre. Ils restaient là dix minutes, ils échangeaient quatre paroles, et ils recom-