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GERMINAL.

l’insuffisance des boisages, toujours bâclés trop vite, les terres ne tenaient pas, détrempées par les eaux.

Trois fois dans la journée, Maheu avait dû faire consolider les bois. Il était deux heures et demie, les hommes allaient remonter. Couché sur le flanc, Étienne achevait le havage d’un bloc, lorsqu’un lointain grondement ébranla toute la mine.

— Qu’est-ce donc ? cria-t-il, en lâchant sa rivelaine pour écouter.

Il avait cru que la galerie s’effondrait derrière son dos.

Mais déjà Maheu se laissait glisser sur la pente de la taille, en disant :

— C’est un éboulement… Vite ! vite !

Tous dégringolèrent, se précipitèrent, emportés par un élan de fraternité inquiète. Les lampes dansaient à leurs poings, dans le silence de mort qui s’était fait ; ils couraient à la file le long des voies, l’échine pliée, comme s’ils eussent galopé à quatre pattes ; et, sans ralentir ce galop, ils s’interrogeaient, jetaient des réponses brèves : où donc ? dans les tailles peut-être ? non, ça venait du bas ! au roulage plutôt ! Lorsqu’ils arrivèrent à la cheminée, ils s’y engouffrèrent, ils tombèrent les uns sur les autres, sans se soucier des meurtrissures.

Jeanlin, la peau rouge encore de la fessée de la veille, ne s’était pas échappé de la fosse, ce jour-là. Il trottait pieds nus derrière son train, refermait une à une les portes d’aérage ; et, parfois, quand il ne redoutait pas la rencontre d’un porion, il montait sur la dernière berline, ce qu’on lui défendait, de peur qu’il ne s’y endormît. Mais sa grosse distraction était, chaque fois que le train se garait pour en laisser passer un autre, d’aller retrouver en tête Bébert qui tenait les guides. Il arrivait sournoisement, sans sa lampe, pinçait le camarade au sang, inventait des farces de mauvais singe, avec ses cheveux jaunes, ses grandes oreilles, son museau maigre, éclairé de