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LES ROUGON-MACQUART.

c’était « le briquet », la double tartine emportée chaque matin à la fosse. Bientôt, les quatre briquets furent en rang sur la table, répartis avec une sévère justice, depuis le gros du père jusqu’au petit de Jeanlin.

Catherine, qui paraissait toute à son ménage, devait pourtant rêvasser aux histoires que Zacharie racontait sur le maître-porion et la Pierronne, car elle entrebâilla la porte d’entrée et jeta un coup d’œil dehors. Le vent soufflait toujours, des clartés plus nombreuses couraient sur les façades basses du coron, d’où montait une vague trépidation de réveil. Déjà des portes se refermaient, des files noires d’ouvriers s’éloignaient dans la nuit. Était-elle bête, de se refroidir, puisque le chargeur à l’accrochage dormait bien sûr, en attendant d’aller prendre son service, à six heures ! Et elle restait, elle regardait la maison, de l’autre côté des jardins. La porte s’ouvrit, sa curiosité s’alluma. Mais ce ne pouvait être que la petite des Pierron, Lydie, qui partait pour la fosse.

Un bruit sifflant de vapeur la fit se tourner. Elle ferma, se hâta de courir : l’eau bouillait et se répandait, éteignant le feu. Il ne restait plus de café, elle dut se contenter de passer l’eau sur le marc de la veille ; puis, elle sucra dans la cafetière, avec de la cassonade. Justement, son père et ses deux frères descendaient.

— Fichtre ! déclara Zacharie, quand il eut mis le nez dans son bol, en voilà un qui ne nous cassera pas la tête !

Maheu haussa les épaules d’un air résigné.

— Bah ! c’est chaud, c’est bon tout de même.

Jeanlin avait ramassé les miettes des tartines et trempait une soupe. Après avoir bu, Catherine acheva de vider la cafetière dans les gourdes de fer blanc. Tous quatre, debout, mal éclairés par la chandelle fumeuse, avalaient en hâte.

— Y sommes-nous à la fin ! dit le père. On croirait qu’on a des rentes !