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III


Quinze jours s’étaient écoulés ; et, le lundi de la troisième semaine, les feuilles de présence, envoyées à la Direction, indiquèrent une diminution nouvelle dans le nombre des ouvriers descendus. Ce matin-là, on comptait sur la reprise du travail ; mais l’obstination de la Régie à ne pas céder exaspérait les mineurs. Le Voreux, Crèvecœur, Mirou, Madeleine n’étaient plus les seuls qui chômaient ; à la Victoire et à Feutry-Cantel, la descente comptait à peine maintenant le quart des hommes ; et Saint-Thomas lui-même se trouvait atteint. Peu à peu, la grève devenait générale.

Au Voreux, un lourd silence pesait sur le carreau. C’était l’usine morte, ce vide et cet abandon des grands chantiers, où dort le travail. Dans le ciel gris de décembre, le long des hautes passerelles, trois ou quatre berlines oubliées avaient la tristesse muette des choses. En bas, entre les jambes maigres des tréteaux, le stock de charbon s’épuisait, laissant la terre nue et noire ; tandis que la provision des bois pourrissait sous les averses. À l’embarcadère du canal, il était resté une péniche à moitié chargée, comme assoupie dans l’eau trouble ; et, sur le terri désert, dont les sulfures décomposés fumaient