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LES ROUGON-MACQUART.

gagnés par le froid de leur rivalité. C’était, au fond, ce qui outrait les systèmes, jetant l’un à une exagération révolutionnaire, poussant l’autre à une affectation de prudence, les emportant malgré eux au delà de leurs idées vraies, dans ces fatalités des rôles qu’on ne choisit pas soi-même. Et Souvarine, qui les écoutait, laissa voir, sur son visage de fille blonde, un mépris silencieux, l’écrasant mépris de l’homme prêt à donner sa vie, obscurément, sans même en tirer l’éclat du martyre.

— Alors, c’est pour moi que tu dis ça ? demanda Étienne. Tu es jaloux ?

— Jaloux de quoi ? répondit Rasseneur. Je ne me pose pas en grand homme, je ne cherche pas à créer une section à Montsou, pour en devenir le secrétaire.

L’autre voulut l’interrompre, mais il ajouta :

— Sois donc franc ! tu te fiches de l’Internationale, tu brûles seulement d’être à notre tête, de faire le monsieur en correspondant avec le fameux Conseil fédéral du Nord !

Un silence régna. Étienne, frémissant, reprit :

— C’est bon… Je croyais n’avoir rien à me reprocher. Toujours je te consultais, car je savais que tu avais combattu ici, longtemps avant moi. Mais, puisque tu ne peux souffrir personne à ton côté, j’agirai désormais tout seul… Et, d’abord, je t’avertis que la réunion aura lieu, même si Pluchart ne vient pas, et que les camarades adhéreront malgré toi.

— Oh ! adhérer, murmura le cabaretier, ce n’est pas fait… Il faudra les décider à payer la cotisation.

— Nullement. L’Internationale accorde du temps aux ouvriers en grève. Nous paierons plus tard, et c’est elle qui, tout de suite, viendra à notre secours.

Rasseneur, du coup, s’emporta.

— Eh bien ! nous allons voir… J’en suis, de ta réu-