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GERMINAL.

un coup de lime, et il se soignait, se peignait surtout avec correction, vaniteux de ses succès de tribune ; mais il gardait des raideurs de membres, les ongles de ses mains larges ne repoussaient pas, mangés par le fer. Très actif, il servait son ambition, en battant la province sans relâche, pour le placement de ses idées.

— Ah ! ne m’en veuillez pas ! dit-il, devançant les questions et les reproches. Hier, conférence à Preuilly le matin, réunion le soir à Valençay. Aujourd’hui, déjeuner à Marchiennes, avec Sauvagnat… Enfin, j’ai pu prendre une voiture. Je suis exténué, vous entendez ma voix. Mais ça ne fait rien, je parlerai tout de même.

Il était sur le seuil du Bon-Joyeux, lorsqu’il se ravisa.

— Sapristi ! et les cartes que j’oublie ! Nous serions propres !

Il revint à la voiture, que le cocher remisait, et il tira du coffre une petite caisse de bois noir, qu’il emporta sous son bras.

Étienne, rayonnant, marchait dans son ombre, tandis que Rasseneur, consterné, n’osait lui tendre la main. L’autre la lui serrait déjà, et il dit à peine un mot rapide de la lettre : quelle drôle d’idée ! pourquoi ne pas faire cette réunion ? on devait toujours faire une réunion, quand on le pouvait. La veuve Désir lui offrit de prendre quelque chose, mais il refusa. Inutile ! il parlait sans boire. Seulement, il était pressé, parce que, le soir, il comptait pousser jusqu’à Joiselle, où il voulait s’entendre avec Legoujeux. Tous alors entrèrent en paquet dans la salle de bal. Maheu et Levaque qui arrivaient en retard, suivirent ces messieurs. Et la porte fut fermée à clef, pour être chez soi, ce qui fit ricaner plus haut les blagueurs, Zacharie ayant crié à Mouquet qu’ils allaient peut-être bien foutre un enfant à eux tous, là-dedans.

Une centaine de mineurs attendaient sur les banquettes, dans l’air enfermé de la salle, où les odeurs chaudes du