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GERMINAL.

mettant un courage tranquille à s’assurer en personne de l’état du pays. Et jamais une pierre n’avait sifflé à ses oreilles, il ne rencontrait que des hommes silencieux et lents à le saluer, il tombait le plus souvent sur des amoureux, qui se moquaient de la politique et se bourraient de plaisir, dans les coins. Au trot de sa jument, la tête droite pour ne déranger personne, il passait, tandis que son cœur se gonflait d’un besoin inassouvi, à travers cette goinfrerie des amours libres. Il aperçut parfaitement les galopins, les petits sur la petite, en tas. Jusqu’aux marmots qui déjà s’égayaient à frotter leur misère ! Ses yeux s’étaient mouillés, il disparut, raide sur la selle, militairement boutonné dans sa redingote.

— Foutu sort ! dit Jeanlin, ça ne finira pas… Vas-y, Bébert ! tire sur la queue !

Mais deux hommes, de nouveau, arrivaient, et l’enfant étouffa encore un juron, quand il entendit la voix de son frère Zacharie, en train de raconter à Mouquet comment il avait découvert une pièce de quarante sous, cousue dans une jupe de sa femme. Tous deux ricanaient d’aise, en se tapant sur les épaules. Mouquet eut l’idée d’une grande partie de crosse pour le lendemain : on partirait à deux heures de l’Avantage, on irait du côté de Montoire, près de Marchiennes. Zacharie accepta. Qu’est-ce qu’on avait à les embêter avec la grève ? autant rigoler, puisqu’on ne fichait rien ! Et ils tournaient le coin de la route, lorsque Étienne, qui venait du canal, les arrêta et se mit à causer.

— Est-ce qu’ils vont coucher ici ? reprit Jeanlin exaspéré. V’là la nuit, la vieille rentre ses sacs.

Un autre mineur descendait vers Réquillart. Étienne s’éloigna avec lui ; et, comme ils passaient devant la palissade, l’enfant les entendit parler de la forêt : on avait dû remettre le rendez-vous au lendemain, par crainte de ne pouvoir avertir en un jour tous les corons.