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LES ROUGON-MACQUART.

tés dans la lente exaspération dont ils étaient travaillés depuis des mois, approuvèrent Levaque, qui renchérissait en demandant la tête des ingénieurs. Pierron avait disparu. Bonnemort et Mouque causaient à la fois, disaient des choses vagues et violentes, qu’on ne distinguait pas. Par blague, Zacharie réclama la démolition des églises, pendant que Mouquet, sa crosse à la main, en tapait la terre, histoire simplement d’augmenter le bruit. Les femmes s’enrageaient : la Levaque, les poings aux hanches, s’empoignait avec Philomène, qu’elle accusait d’avoir ri ; la Mouquette parlait de démonter les gendarmes à coups de pied quelque part ; la Brûlé, qui venait de gifler Lydie, en la retrouvant sans panier ni salade, continuait d’allonger des claques dans le vide, pour tous les patrons qu’elle aurait voulu tenir. Un instant, Jeanlin était resté suffoqué, Bébert ayant appris par un galibot que madame Rasseneur les avait vus voler Pologne ; mais, lorsqu’il eut décidé qu’il retournerait lâcher furtivement la bête, à la porte de l’Avantage, il hurla plus fort, il ouvrit son couteau neuf, dont il brandissait la lame, glorieux de la faire luire.

— Camarades ! camarades ! répétait Étienne épuisé, enroué à vouloir obtenir une minute de silence, pour s’entendre définitivement.

Enfin, on l’écouta.

— Camarades ! demain matin, à Jean-Bart, est-ce convenu ?

— Oui, oui, à Jean-Bart ! mort aux traîtres !

L’ouragan de ces trois mille voix emplit le ciel et s’éteignit dans la clarté pure de la lune.