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LES ROUGON-MACQUART.

par le roulage, empoignaient sans fatigue les montants, trop gros pour elles. Et même cela l’occupait, la sortait de son chagrin, cette montée imprévue, ce long serpent d’hommes se coulant, se hissant, trois par échelle, si bien que la tête déboucherait au jour, lorsque la queue traînerait encore sur le bougnou. On n’en était pas là, les premiers devaient se trouver à peine au tiers du puits. Personne ne parlait plus, seuls les pieds roulaient avec un bruit sourd ; tandis que les lampes, pareilles à des étoiles voyageuses, s’espaçaient de bas en haut, en une ligne toujours grandissante.

Derrière elle, Catherine entendit un galibot compter les échelles. Cela lui donna l’idée de les compter aussi. On en avait déjà monté quinze, et l’on arrivait à un accrochage. Mais, au même instant, elle se heurta dans les jambes de Chaval. Il jura, en lui criant de faire attention. De proche en proche, toute la colonne s’arrêtait, s’immobilisait. Quoi donc ? que se passait-il ? et chacun retrouvait sa voix pour questionner et s’épouvanter. L’angoisse augmentait depuis le fond, l’inconnu de là-haut les étranglait davantage, à mesure qu’ils se rapprochaient du jour. Quelqu’un annonça qu’il fallait redescendre, que les échelles étaient cassées. C’était la préoccupation de tous, la peur de se trouver devant le vide. Une autre explication descendit de bouche en bouche, l’accident d’un haveur glissé d’un échelon. On ne savait au juste, des cris empêchaient d’entendre, est-ce qu’on allait coucher là ? Enfin, sans qu’on fût mieux renseigné, la montée reprit, du même mouvement lent et pénible, au milieu du roulement des pieds et de la danse des lampes. Ce serait pour plus haut, bien sûr, les échelles cassées.

À la trente-deuxième échelle, comme on dépassait un troisième accrochage, Catherine sentit ses jambes et ses bras se raidir. D’abord, elle avait éprouvé à la peau des