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GERMINAL.

miers de la bande contre l’escalier, dont la rampe fut tordue. C’étaient les femmes qui poussaient, glapissantes, excitant les hommes. La porte céda, tout de suite, une porte sans serrure, fermée simplement au loquet. Mais l’escalier était trop étroit, la cohue, écrasée, n’aurait pu entrer de longtemps, si la queue des assiégeants n’avait pris le parti de passer par les autres ouvertures. Alors, il en déborda de tous côtés, de la baraque, du criblage, du bâtiment des chaudières. En moins de cinq minutes, la fosse entière leur appartint, ils en battaient les trois étages, au milieu d’une fureur de gestes et de cris, emportés dans l’élan de leur victoire sur ce patron qui résistait.

Maheu, effrayé, s’était élancé un des premiers, en disant à Étienne :

— Faut pas qu’ils le tuent !

Celui-ci courait déjà ; puis, quand il eut compris que Deneulin s’était barricadé dans la chambre des porions, il répondit :

— Après ? est-ce que ce serait de notre faute ? Un enragé pareil !

Cependant, il était plein d’inquiétude, trop calme encore pour céder à ce coup de colère. Il souffrait aussi dans son orgueil de chef, en voyant la bande échapper à son autorité, s’enrager en dehors de la froide exécution des volontés du peuple, telle qu’il l’avait prévue. Vainement, il réclamait du sang-froid, il criait qu’on ne devait pas donner raison à leurs ennemis par des actes de destruction inutile.

— Aux chaudières ! hurlait la Brûlé. Éteignons les feux !

Levaque, qui avait trouvé une lime, l’agitait comme un poignard, dominant le tumulte d’un cri terrible :

— Coupons les câbles ! coupons les câbles !

Tous le répétèrent bientôt, seuls, Étienne et Maheu