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GERMINAL.

réclamer aide et protection, si les brigands s’attaquaient à son magasin.

— Vous voyez que je suis menacé moi-même et que je n’ai personne, répondit M. Hennebeau. Vous auriez mieux fait de rester chez vous, à garder vos marchandises.

— Oh ! j’ai mis les barres de fer, puis j’ai laissé ma femme.

Le directeur s’impatienta, sans cacher son mépris. Une belle garde, que cette créature chétive, maigrie de coups !

— Enfin, je n’y peux rien, tâchez de vous défendre. Et je vous conseille de rentrer tout de suite, car les voilà qui demandent encore du pain… Écoutez…

En effet, le tumulte reprenait, et Maigrat crut entendre son nom, au milieu des cris. Rentrer, ce n’était plus possible, on l’aurait écharpé. D’autre part, l’idée de sa ruine le bouleversait. Il colla son visage au panneau vitré de la porte, suant, tremblant, guettant le désastre ; tandis que les Grégoire se décidaient à passer dans le salon.

Tranquillement, M. Hennebeau affectait de faire les honneurs de chez lui. Mais il priait en vain ses invités de s’asseoir, la pièce close, barricadée, éclairée de deux lampes avant la tombée du jour, s’emplissait d’effroi, à chaque nouvelle clameur du dehors. Dans l’étouffement des tentures, la colère de la foule ronflait, plus inquiétante, d’une menace vague et terrible. On causa pourtant, sans cesse ramené à cette inconcevable révolte. Lui, s’étonnait de n’avoir rien prévu ; et sa police était si mal faite, qu’il s’emportait surtout contre Rasseneur, dont il disait reconnaître l’influence détestable. Du reste, les gendarmes allaient venir, il était impossible qu’on l’abandonnât de la sorte. Quant aux Grégoire, ils ne pensaient qu’à leur fille : la pauvre chérie qui s’effrayait si vite ! peut-être, devant le péril, la voiture était-elle retournée à Marchiennes. Pendant un quart d’heure encore, l’attente