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GERMINAL.

avait tourné le dos à la maison, et s’était jetée d’elle-même en plein danger.

Aussitôt, le cri s’éleva :

— Vive la sociale ! à mort les bourgeois ! à mort !

Quelques-uns, de loin, sous la voilette qui lui cachait le visage, la prenaient pour madame Hennebeau. D’autres nommaient une amie de la directrice, la jeune femme d’un usinier voisin, exécré de ses ouvriers. Et, d’ailleurs, peu importait, c’étaient sa robe de soie, son manteau de fourrure, jusqu’à la plume blanche de son chapeau, qui exaspéraient. Elle sentait le parfum, elle avait une montre, elle avait une peau fine de fainéante qui ne touchait pas au charbon.

— Attends ! cria la Brûlé, on va t’en mettre au cul, de la dentelle !

— C’est à nous que ces salopes volent ça, reprit la Levaque. Elles se collent du poil sur la peau, lorsque nous crevons de froid… Foutez-moi-la donc toute nue, pour lui apprendre à vivre !

Du coup, la Mouquette s’élança.

— Oui, oui, faut la fouetter.

Et les femmes, dans cette rivalité sauvage, s’étouffaient, allongeaient leurs guenilles, voulaient chacune un morceau de cette fille de riche. Sans doute qu’elle n’avait pas le derrière mieux fait qu’une autre. Plus d’une même était pourrie, sous ses fanfreluches. Voilà assez longtemps que l’injustice durait, on les forcerait bien toutes à s’habiller comme des ouvrières, ces catins qui osaient dépenser cinquante sous pour le blanchissage d’un jupon !

Au milieu de ces furies, Cécile grelottait, les jambes paralysées, bégayant à vingt reprises la même phrase :

— Mesdames, je vous en prie, mesdames, ne me faites pas du mal.

Mais elle eut un cri rauque : des mains froides venaient