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LES ROUGON-MACQUART.

par la porte entrebâillée, au moment de la bagarre, sans que personne la remarquât ; et, dans son récit interminable, l’unique pierre de Jeanlin qui avait brisé une seule vitre devenait une canonnade en règle, dont les murs restaient fendus. Alors, les idées de M. Grégoire furent bouleversées : on égorgeait sa fille, on rasait sa maison, c’était donc vrai que ces mineurs pouvaient lui en vouloir, parce qu’il vivait en brave homme de leur travail ?

La femme de chambre, qui avait apporté une serviette et de l’eau de Cologne, répéta :

— Tout de même, c’est drôle, ils ne sont pas méchants.

Madame Hennebeau, assise, très pâle, ne se remettait pas de la secousse de son émotion ; et elle retrouva seulement un sourire, lorsqu’on félicita Négrel. Les parents de Cécile remerciaient surtout le jeune homme, c’était maintenant un mariage conclu. M. Hennebeau regardait en silence, allait de sa femme à cet amant qu’il jurait de tuer le matin, puis à cette jeune fille qui l’en débarrasserait bientôt sans doute. Il n’avait aucune hâte, une seule peur lui restait, celle de voir sa femme tomber plus bas, à quelque laquais peut-être.

— Et vous, mes petites chéries, demanda Deneulin à ses filles, on ne vous a rien cassé ?

Lucie et Jeanne avaient eu bien peur, mais elles étaient contentes d’avoir vu ça. Elles riaient à présent.

— Sapristi ! continua le père, voilà une bonne journée !… Si vous voulez une dot, vous ferez bien de la gagner vous-mêmes ; et attendez-vous encore à être forcées de me nourrir.

Il plaisantait, la voix tremblante. Ses yeux se gonflèrent, quand ses deux filles se jetèrent dans ses bras.

M. Hennebeau avait écouté cet aveu de ruine. Une pensée vive éclaira son visage. En effet, Vandame allait