Page:Zola - Germinal.djvu/413

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
413
GERMINAL.

Des huées, presque aussitôt, éclatèrent.

— Regardez ! regardez !… Le matou est là-haut ! au chat ! au chat !

La bande venait d’apercevoir Maigrat, sur la toiture du hangar. Dans sa fièvre, malgré sa lourdeur, il avait monté au treillage avec agilité, sans se soucier des bois qui cassaient ; et, maintenant, il s’aplatissait le long des tuiles, il s’efforçait d’atteindre la fenêtre. Mais la pente se trouvait très raide, il était gêné par son ventre, ses ongles s’arrachaient. Pourtant, il se serait traîné jusqu’en haut, s’il ne s’était mis à trembler, dans la crainte de recevoir des pierres ; car la foule, qu’il ne voyait plus, continuait à crier, sous lui :

— Au chat ! au chat !… Faut le démolir !

Et, brusquement, ses deux mains lâchèrent à la fois, il roula comme une boule, sursauta à la gouttière, tomba en travers du mur mitoyen, si malheureusement, qu’il rebondit du côté de la route, où il s’ouvrit le crâne, à l’angle d’une borne. La cervelle avait jailli. Il était mort. Sa femme, en haut, pâle et brouillée derrière les vitres, regardait toujours.

D’abord, ce fut une stupeur. Étienne s’était arrêté, la hache glissée des poings. Maheu, Levaque, tous les autres, oubliaient la boutique, les yeux tournés vers le mur, où coulait lentement un mince filet rouge. Et les cris avaient cessé, un silence s’élargissait dans l’ombre croissante.

Tout de suite, les huées recommencèrent. C’étaient les femmes qui se précipitaient, prises de l’ivresse du sang.

— Il y a donc un bon Dieu ! Ah ! cochon, c’est fini !

Elles entouraient le cadavre encore chaud, elles l’insultaient avec des rires, traitant de sale gueule sa tête fracassée, hurlant à la face de la mort la longue rancune de leur vie sans pain.