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LES ROUGON-MACQUART.

Mais alors le feu de peloton balayait le terrain, fauchait à cent pas les groupes de curieux qui riaient de la bataille. Une balle entra dans la bouche de Mouquet, le renversa, fracassé, aux pieds de Zacharie et de Philomène, dont les deux mioches furent couverts de gouttes rouges. Au même instant, la Mouquette recevait deux balles dans le ventre. Elle avait vu les soldats épauler, elle s’était jetée, d’un mouvement instinctif de bonne fille, devant Catherine, en lui criant de prendre garde ; et elle poussa un grand cri, elle s’étala sur les reins, culbutée par la secousse. Étienne accourut, voulut la relever, l’emporter ; mais, d’un geste, elle disait qu’elle était finie. Puis, elle hoqueta, sans cesser de leur sourire à l’un et à l’autre, comme si elle était heureuse de les voir ensemble, maintenant qu’elle s’en allait.

Tout semblait terminé, l’ouragan des balles s’était perdu très loin, jusque dans les façades du coron, lorsque le dernier coup partit, isolé, en retard.

Maheu, frappé en plein cœur, vira sur lui-même et tomba la face dans une flaque d’eau, noire de charbon.

Stupide, la Maheude, se baissa.

— Eh ! mon vieux, relève-toi. Ce n’est rien, dis ?

Les mains gênées par Estelle, elle dut la mettre sous un bras, pour retourner la tête de son homme.

— Parle donc ! où as-tu mal ?

Il avait les yeux vides, la bouche baveuse d’une écume sanglante. Elle comprit, il était mort. Alors, elle resta assise dans la crotte, sa fille sous le bras comme un paquet, regardant son vieux d’un air hébété.

La fosse était libre. De son geste nerveux, le capitaine avait retiré, puis remis son képi coupé par une pierre ; et il gardait sa raideur blème devant le désastre de sa vie ; pendant que ses hommes, aux faces muettes, rechargeaient leurs armes. On aperçut les visages effarés de