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LES ROUGON-MACQUART.

derrière elles, quand elles ont gobé du plomb à ta place !

Quoi faire ? étrangler la Pierronne et les autres, se battre contre le coron ? Étienne en eut un instant l’envie. Le sang grondait dans sa tête, il traitait maintenant les camarades de brutes, il s’irritait de les voir inintelligents et barbares, au point de s’en prendre à lui de la logique des faits. Était-ce bête ! Un dégoût lui venait de son impuissance à les dompter de nouveau ; et il se contenta de hâter le pas, comme sourd aux injures. Bientôt, ce fut une fuite, chaque maison le huait au passage, on s’acharnait sur ses talons, tout un peuple le maudissait d’une voix peu à peu tonnante, dans le débordement de la haine. C’était lui, l’exploiteur, l’assassin, la cause unique de leur malheur. Il sortit du coron, blême, affolé, galopant, avec cette bande hurlante derrière son dos. Enfin, sur la route, beaucoup le lâchèrent ; mais quelques-uns s’entêtaient, lorsque, au bas de la pente, devant l’Avantage, il rencontra un autre groupe, qui sortait du Voreux.

Le vieux Mouque et Chaval étaient là. Depuis la mort de la Mouquette, sa fille, et de son garçon, Mouquet, le vieux continuait son service de palefrenier, sans un mot de regret ni de plainte. Brusquement, quand il aperçut Étienne, une fureur le secoua, et des larmes crevèrent de ses yeux, et une débâcle de gros mots jaillit de sa bouche noire et saignante, à force de chiquer.

— Salaud ! cochon ! espèce de mufle !… Attends, tu as mes pauvres bougres d’enfants à me payer, il faut que tu y passes !

Il ramassa une brique, la cassa, en lança les deux morceaux.

— Oui, oui, nettoyons-le ! cria Chaval, qui ricanait, très excité, ravi de cette vengeance. Chacun son tour… Te voilà collé au mur, sale crapule !

Et lui aussi se rua sur Étienne, à coups de pierres. Une