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II


Le dimanche, Étienne s’échappa du coron, dès la nuit tombée. Un ciel très pur, criblé d’étoiles, éclairait la terre d’une clarté bleue de crépuscule. Il descendit vers le canal, il suivit lentement la berge, en remontant du côté de Marchiennes. C’était sa promenade favorite, un sentier gazonné de deux lieues, filant tout droit, le long de cette eau géométrique, qui se déroulait pareille à un lingot sans fin d’argent fondu.

Jamais il n’y rencontrait personne. Mais, ce jour-là, il fut contrarié, en voyant venir à lui un homme. Et, sous la pâle lumière des étoiles, les deux promeneurs solitaires ne se reconnurent que face à face.

— Tiens ! c’est toi, murmura Étienne.

Souvarine hocha la tête sans répondre. Un instant, ils restèrent immobiles ; puis, côte à côte, ils repartirent vers Marchiennes. Chacun semblait continuer ses réflexions, comme très loin l’un de l’autre.

— As-tu vu dans le journal le succès de Pluchart à Paris ? demanda enfin Étienne. On l’attendait sur le trottoir, on lui a fait une ovation, au sortir de cette réunion de Belleville… Oh ! le voilà lancé, malgré son rhume. Il ira où il voudra, désormais.