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Page:Zola - Germinal.djvu/514

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LES ROUGON-MACQUART.

d’une averse le jetait à une fureur de destruction. Il s’acharna au hasard contre le cuvelage, tapant où il pouvait, à coups de vilebrequin, à coups de scie, pris du besoin de l’éventrer tout de suite sur sa tête. Et il y mettait une férocité, comme s’il eût joué du couteau dans la peau d’un être vivant, qu’il exécrait. Il la tuerait à la fin, cette bête mauvaise du Voreux, à la gueule toujours ouverte, qui avait englouti tant de chair humaine ! On entendait la morsure de ses outils, son échine s’allongeait, il rampait, descendait, remontait, se tenant encore par miracle, dans un branle continu, un vol d’oiseau nocturne au travers des charpentes d’un clocher.

Mais il se calma, mécontent de lui. Est-ce qu’on ne pouvait faire les choses froidement ? Sans hâte, il souffla, il rentra dans le goyot des échelles, dont il boucha le trou, en replaçant le panneau qu’il avait scié. C’était assez, il ne voulait pas donner l’éveil par un dégât trop grand, qu’on aurait tenté de réparer tout de suite. La bête avait sa blessure au ventre, on verrait si elle vivait encore le soir ; et il avait signé, le monde épouvanté saurait qu’elle n’était pas morte de sa belle mort. Il prit le temps de rouler méthodiquement les outils dans sa veste, il remonta les échelles avec lenteur. Puis, quand il fut sorti de la fosse sans être vu, l’idée d’aller changer de vêtements ne lui vint même pas. Trois heures sonnaient. Il resta planté sur la route, il attendit.

À la même heure, Étienne, qui ne dormait pas, s’inquiéta d’un bruit léger, dans l’épaisse nuit de la chambre. Il distinguait le petit souffle des enfants, les ronflements de Bonnemort et de la Maheude ; tandis que, près de lui, Jeanlin sifflait une note prolongée de flûte. Sans doute, il avait rêvé, et il se renfonçait, lorsque le bruit recommença. C’était un craquement de paillasse, l’effort