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GERMINAL.

avait beaucoup ce jour-là, pour que la flamme des lampes fût si bleue.

— Quand vous aurez fini de bavarder, fainéants ! cria la rude voix de Maheu.

Catherine et Étienne se hâtèrent de remplir leurs berlines et les poussèrent au plan incliné, l’échine raidie, rampant sous le toit bossué de la voie. Dès le second voyage, la sueur les inondait et leurs os craquaient de nouveau.

Dans la taille, le travail des haveurs avait repris. Souvent, ils abrégeaient le déjeuner, pour ne pas se refroidir ; et leurs briquets, mangés ainsi loin du soleil, avec une voracité muette, leur chargeaient de plomb l’estomac. Allongés sur le flanc, ils tapaient plus fort, ils n’avaient que l’idée fixe de compléter un gros nombre de berlines. Tout disparaissait dans cette rage du gain disputé si rudement. Ils cessaient de sentir l’eau qui ruisselait et enflait leurs membres, les crampes des attitudes forcées, l’étouffement des ténèbres, où ils blémissaient ainsi que des plantes mises en cave. Pourtant, à mesure que la journée s’avançait, l’air s’empoisonnait davantage, se chauffait de la fumée des lampes, de la pestilence des haleines, de l’asphyxie du grisou, gênant sur les yeux comme des toiles d’araignée, et que devait seul balayer l’aérage de la nuit. Eux, au fond de leur trou de taupe, sous le poids de la terre, n’ayant plus de souffle dans leurs poitrines embrasées, tapaient toujours.