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GERMINAL.

pour cette tragique famille des Maheu, dont tout le pays causait. Ils ne plaignaient pas le père, ce brigand, ce tueur de soldats qu’il avait fallu abattre comme un loup. Seulement, la mère les touchait, cette pauvre femme qui venait de perdre son fils, après avoir perdu son mari, et dont la fille n’était peut-être plus qu’un cadavre, sous la terre ; sans compter qu’on parlait encore d’un grand-père infirme, d’un enfant boiteux à la suite d’un éboulement, d’une petite fille morte de faim, pendant la grève. Aussi, bien que cette famille eût mérité en partie ses malheurs, par son esprit détestable, avaient-ils résolu d’affirmer la largeur de leur charité, leur désir d’oubli et de conciliation, en lui portant eux-mêmes une aumône. Deux paquets, soigneusement enveloppés, se trouvaient sous une banquette de la voiture.

Une vieille femme indiqua au cocher la maison des Maheu, le numéro 16 du deuxième corps. Mais, quand les Grégoire furent descendus, avec les paquets, ils frappèrent vainement, ils finirent par taper à coups de poing dans la porte, sans obtenir davantage de réponse : la maison résonnait lugubre, ainsi qu’une demeure vidée par le deuil, glacée et noire, abandonnée depuis longtemps.

— Il n’y a personne, dit Cécile désappointée. Est-ce ennuyeux ! qu’est-ce que nous allons faire de tout ça ?

Brusquement, la porte d’à côté s’ouvrit, et la Levaque parut.

— Oh ! monsieur et madame, mille pardons ! excusez-moi, mademoiselle !… C’est la voisine que vous voulez. Elle n’y est pas, elle est à Réquillart…

Dans un flux de paroles, elle leur racontait l’histoire, leur répétait qu’il fallait bien s’entr’aider, qu’elle gardait chez elle Lénore et Henri, pour permettre à la mère d’aller attendre, là-bas. Ses regards étaient tombés sur les paquets, elle en arrivait à parler de sa pauvre fille