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LES ROUGON-MACQUART.

— Quand je vous dis qu’ils se fichent du monde ! criait l’ingénieur. Et vous, nom d’un chien ! vous ne surveillez donc pas ?

— Mais si, mais si, balbutiait le maître-porion. On est las de leur répéter les choses.

Négrel appela violemment :

— Maheu ! Maheu !

Tous descendirent. Il continuait :

— Voyez ça, est-ce que ça tient ?… C’est bâti comme quatre sous. Voilà un chapeau que les moutons ne portent déjà plus, tellement on l’a posé à la hâte… Pardi ! je comprends que le raccommodage nous coûte si cher. N’est-ce pas ? pourvu que ça dure tant que vous en avez la responsabilité ! Et puis tout casse, et la Compagnie est forcée d’avoir une armée de raccommodeurs… Regardez un peu là-bas, c’est un vrai massacre.

Chaval voulut parler, mais il le fit taire.

— Non, je sais ce que vous allez dire encore. Qu’on vous paie davantage, hein ? Eh bien ! je vous préviens que vous forcerez la Direction à faire une chose : oui, on vous paiera le boisage à part, et l’on réduira proportionnellement le prix de la berline. Nous verrons si vous y gagnerez… En attendant, reboisez-moi ça tout de suite. Je passerai demain.

Et, dans le saisissement causé par sa menace, il s’éloigna. Dansaert, si humble devant lui, resta en arrière quelques secondes, pour dire brutalement aux ouvriers :

— Vous me faites empoigner, vous autres… Ce n’est pas trois francs d’amende que je vous flanquerai, moi ! Prenez garde !

Alors, quand il fut parti, Maheu éclata à son tour.

— Nom de Dieu ! ce qui n’est pas juste n’est pas juste. Moi, j’aime qu’on soit calme, parce que c’est la seule façon de s’entendre ; mais, à la fin, ils vous rendraient enragés… Avez-vous entendu ? la berline baissée, et le