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LES ROUGON-MACQUART.

eu leur papier ni leur plafond. Avaient-ils remarqué comme le propriétaire l’avait consulté du coin de l’œil et s’était brusquement décidé en le voyant sourire ? Puis, en confidence, il avoua être le vrai maître de la maison : il décidait des congés, louait si les gens lui plaisaient, touchait les termes qu’il gardait des quinze jours dans sa commode. Le soir, les Coupeau, pour remercier les Boche, crurent poli de leur envoyer deux litres de vin. Ça méritait un cadeau.

Dès le lundi suivant, les ouvriers se mirent à la boutique. L’achat du papier fut surtout une grosse affaire. Gervaise voulait un papier gris à fleurs bleues, pour éclairer et égayer les murs. Boche lui offrit de l’emmener ; elle choisirait. Mais il avait des ordres formels du propriétaire, il ne devait pas dépasser le prix de quinze sous le rouleau. Ils restèrent une heure chez le marchand ; la blanchisseuse revenait toujours à une perse très gentille de dix-huit sous, désespérée, trouvant les autres papiers affreux. Enfin, le concierge céda ; il arrangerait la chose, il compterait un rouleau de plus, s’il le fallait. Et Gervaise, en rentrant, acheta des gâteaux pour Pauline. Elle n’aimait pas rester en arrière, il y avait tout bénéfice avec elle à se montrer complaisant.

En quatre jours, la boutique devait être prête. Les travaux durèrent trois semaines. D’abord, on avait parlé de lessiver simplement les peintures. Mais ces peintures, anciennement lie de vin, étaient si sales et si tristes, que Gervaise se laissa entraîner à faire remettre toute la devanture en bleu clair, avec des filets jaunes. Alors, les réparations s’éternisèrent. Coupeau, qui ne travaillait toujours pas, arrivait dès le matin, pour voir si ça marchait. Boche lâchait la redingote ou le pantalon dont il refaisait les boutonnières, venait