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L’ASSOMOIR.

— Toujours du vin, jamais de casse-poitrine ! dit tout d’un coup le zingueur, qui éprouva le besoin de faire cette déclaration. Le casse-poitrine me fait du mal n’en faut pas !

Clémence prenait un fer à la mécanique, avec sa poignée de cuir garnie de tôle, et l’approchait de sa joue, pour s’assurer s’il était assez chaud. Elle le frotta sur son carreau, l’essuya sur un linge pendu à sa ceinture, et attaqua sa trente-cinquième chemise, en repassant d’abord l’empiècement et les deux manches.

— Bah ! monsieur Coupeau, dit-elle, au bout d’une minute, un petit verre de cric, ce n’est pas mauvais. Moi, ça me donne du chien… Puis, vous savez, plus vite on est tortillé, plus c’est drôle. Oh ! je ne me monte pas le bourrichon, je sais que je ne ferai pas de vieux os.

— Êtes-vous tannante avec vos idées d’enterrement ! interrompit madame Putois, qui n’aimait pas les conversations tristes.

Coupeau s’était levé, et se fâchait, en croyant qu’on l’accusait d’avoir bu de l’eau-de-vie. Il le jurait sur sa tête, sur celles de sa femme et de son enfant, il n’avait pas une goutte d’eau-de-vie dans le corps. Et il s’approchait de Clémence, lui soufflant dans la figure pour qu’elle le sentît. Puis, quand il eut le nez sur ses épaules nues, il se mit à ricaner. Il voulait voir. Clémence, après avoir plié le dos de la chemise et donné un coup de fer des deux côtés, en était aux poignets et au col. Mais, comme il se poussait toujours contre elle, il lui fit faire un faux pli ; et elle dut prendre la brosse, au bord de l’assiette creuse, pour lisser l’amidon.

— Madame ! dit-elle, empêchez-le donc d’être comme ça après moi !