Page:Zola - L'Assommoir.djvu/221

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pratiques lui ayant manqué de parole, elle avait dû courir chez les Goujet et leur emprunter son loyer. Deux autres fois, pour payer ses ouvrières, elle s’était adressée également à eux, si bien que la dette se trouvait remontée à quatre cent vingt-cinq francs. Maintenant, elle ne donnait plus un sou, elle se libérait par le blanchissage, uniquement. Ce n’était pas qu’elle travaillât moins ni que ses affaires devinssent mauvaises. Au contraire. Mais il se faisait des trous chez elle, l’argent avait l’air de fondre, et elle était contente, quand elle pouvait joindre les deux bouts. Mon Dieu ! pourvu qu’on vive, n’est-ce pas ? on n’a point trop à se plaindre. Elle engraissait, elle cédait à tous les petits abandons de son embonpoint naissant, n’ayant plus la force de s’effrayer en songeant à l’avenir. Tant pis ! l’argent viendrait toujours, ça le rouillait de le mettre de côté. Madame Goujet cependant restait maternelle pour Gervaise. Elle la chapitrait parfois avec douceur, non pas à cause de son argent, mais parce qu’elle l’aimait et qu’elle craignait de lui voir faire le saut. Elle n’en parlait seulement pas, de son argent. Enfin, elle y mettait beaucoup de délicatesse.

Le lendemain de la visite de Gervaise à la forge était justement le dernier samedi du mois. Lorsqu’elle arriva chez les Goujet, où elle tenait à aller elle-même, son panier lui avait tellement cassé les bras, qu’elle étouffa pendant deux bonnes minutes. On ne sait pas comme le linge pèse, surtout quand il y a des draps.

— Vous apportez bien tout ? demanda madame Goujet.

Elle était très sévère là-dessus. Elle voulait qu’on lui rapportât son linge, sans qu’une pièce manquât, pour le bon ordre, disait-elle. Une autre de ses exi-