Page:Zola - L'Assommoir.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
L’ASSOMMOIR.

— Aussi, reprit Gervaise, pourquoi sont-ils si rats !… vous savez, ils ont menti, le mois dernier, quand la femme a raconté partout qu’elle avait perdu un bout de chaîne d’or, en allant reporter l’ouvrage. Vrai ! si celle-là perd jamais quelque chose !… C’était simplement une façon de pleurer misère et de ne pas vous donner vos cent sous.

— Je ne les ai encore vus que deux fois, mes cent sous, dit maman Coupeau.

— Voulez-vous parier ! le mois prochain, ils inventeront une autre histoire… Ça explique pourquoi ils bouchent leur fenêtre, quand ils mangent un lapin. N’est-ce pas ? on serait en droit de leur dire : « Puisque vous mangez un lapin, vous pouvez bien donner cent sous à votre mère. » Oh ! ils ont du vice !… Qu’est-ce que vous seriez devenue, si je ne vous avais pas prise avec nous ?

Maman Coupeau hocha la tête. Ce jour-là, elle était tout à fait contre les Lorilleux, à cause du grand repas que les Coupeau donnaient. Elle aimait la cuisine, les bavardages autour des casseroles, les maisons mises en l’air par les noces des jours de fête. D’ailleurs, elle s’entendait d’ordinaire assez bien avec Gervaise. Les autres jours, quand elles s’asticotaient ensemble, comme ça arrive dans tous les ménages, la vieille femme bougonnait, se disait horriblement malheureuse d’être ainsi à la merci de sa belle-fille. Au fond, elle devait garder une tendresse pour madame Lorilleux ; c’était sa fille, après tout.

— Hein ? répéta Gervaise, vous ne seriez pas si grasse, chez eux ? Et pas de café, pas de tabac, aucune douceur !… Dites, est-ce qu’ils vous auraient mis deux matelas à votre lit ?

— Non, bien sûr, répondit maman Coupeau. Lors-