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LES ROUGON-MACQUART.

au fond des assiettes, Coupeau reparut, avec deux pots, un sous chaque bras, une giroflée et une balsamine. Toute la table battit des mains. Lui, galant, alla poser ses pots, l’un à droite, l’autre à gauche du verre de Gervaise ; puis, il se pencha, et, l’embrassant :

— Je t’avais oubliée, ma biche… Ça n’empêche pas, on s’aime tout de même, dans un jour comme le jour d’aujourd’hui.

— Il est très bien, monsieur Coupeau, ce soir, murmura Clémence à l’oreille de Boche. Il a tout ce qu’il lui faut, juste assez pour être aimable.

La bonne manière du patron rétablit la gaieté, un moment compromise. Gervaise, tranquillisée, était redevenue toute souriante. Les convives achevaient le potage. Puis les litres circulèrent, et l’on but le premier verre de vin, quatre doigts de vin pur, pour faire couler les pâtes. Dans la pièce voisine, on entendait les enfants se disputer. Il y avait là Étienne, Nana, Pauline et le petit Victor Fauconnier. On s’était décidé à leur installer une table pour eux quatre, en leur recommandant d’être bien sages. Ce louchon d’Augustine, qui surveillait les fourneaux, devait manger sur ses genoux.

— Maman ! maman ! s’écria brusquement Nana, c’est Augustine qui laisse tomber son pain dans la rôtissoire !

La blanchisseuse accourut et surprit le louchon en train de se brûler le gosier, pour avaler plus vite une tartine toute trempée de graisse d’oie bouillante. Elle la calotta, parce que cette satanée gamine criait que ce n’était pas vrai.

Après le bœuf, quand la blanquette apparut, servie dans un saladier, le ménage n’ayant pas de plat assez grand, un rire courut parmi les convives.