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Page:Zola - L'Assommoir.djvu/334

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LES ROUGON-MACQUART.

le dernier dimanche, avait mené sa scie à Montrouge, chez une tante. Coupeau demanda des nouvelles de la Malle des Indes, une blanchisseuse de Chaillot, connue dans l’établissement. On allait boire, quand Mes-Bottes, violemment, appela Goujet et Lorilleux qui passaient. Ceux-ci vinrent jusqu’à la porte et refusèrent d’entrer. Le forgeron ne sentait pas le besoin de prendre quelque chose. Le chaîniste, blafard, grelottant, serrait dans sa poche les chaînes d’or qu’il reportait ; et il toussait, il s’excusait, en disant qu’une goutte d’eau-de-vie le mettait sur le flanc.

— En voilà des cafards ! grogna Mes-Bottes. Ça doit licher dans les coins.

Et quand il eut mis le nez dans son verre, il attrapa le père Colombe.

— Vieille drogue, tu as changé de litre !… Tu sais, ce n’est pas avec moi qu’il faut maquiller ton vitriol !

Le jour avait grandi, une clarté louche éclairait l’Assommoir, dont le patron éteignait le gaz. Coupeau, pourtant, excusait son beau-frère, qui ne pouvait pas boire, ce dont, après tout, on n’avait pas à lui faire un crime. Il approuvait même Goujet, attendu que c’était un honneur de ne jamais avoir soif. Et il parlait d’aller travailler, lorsque Lantier, avec son grand air d’homme comme il faut, lui infligea une leçon : on payait sa tournée, au moins, avant de se cavaler ; on ne lâchait pas des amis comme un pleutre, même pour se rendre à son devoir.

— Est-ce qu’il va nous bassiner longtemps avec son travail ! cria Mes-Bottes.

— Alors, c’est la tournée de monsieur ? demanda le père Colombe à Coupeau.

Celui-ci paya sa tournée. Mais, quand vint le tour