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LES ROUGON-MACQUART.

du matin et se défendant contre trois mauvaises gouapes, boulevard des Invalides ; sans même retirer ses gants, il s’était débarrassé des deux premiers scélérats avec des coups de tête dans le ventre, et avait conduit le troisième au poste, par une oreille. Hein ? quelle poigne ! C’était embêtant qu’il fût noble.

— Écoutez ça maintenant, continua Lantier. Je passe aux nouvelles de la haute. « La comtesse de Brétigny marie sa fille aînée au jeune baron de Valançay, aide de camp de Sa Majesté. Il y a, dans la corbeille, pour plus de trois cent mille francs de dentelle… »

— Qu’est-ce que ça nous fiche ! interrompit Bibi-la-Grillade. On ne leur demande pas la couleur de leur chemise… La petite a beau avoir de la dentelle, elle n’en verra pas moins la lune par le même trou que les autres.

Comme Lantier faisait mine d’achever sa lecture, Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif, lui enleva le journal et s’assit dessus, en disant :

— Ah ! non, assez !… Le voilà au chaud… Le papier, ce n’est bon qu’à ça.

Cependant, Mes-Bottes, qui regardait son jeu, donnait un coup de poing triomphant sur la table. Il faisait quatre-vingt-treize.

— J’ai la Révolution, cria-t-il. Quinte mangeuse, portant son point dans l’herbe à la vache… Vingt, n’est-ce pas ?… Ensuite, tierce major dans les vitriers, vingt-trois ; trois bœufs, vingt-six ; trois larbins, vingt-neuf ; trois borgnes, quatre-vingt-douze… Et je joue An un de la République, quatre-vingt-treize.

— T’es rincé, mon vieux, crièrent les autres à Coupeau.

On commanda deux nouveaux litres. Les verres ne désemplissaient plus, la soûlerie montait. Vers cinq