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L’ASSOMMOIR.

bazar, tant l’embêtement de la vie commençait à lui monter au nez.

On dîna vite. En partant au bras du chapelier, à huit heures, Gervaise pria maman Coupeau et Nana de se mettre au lit tout de suite. La boutique était fermée. Elle s’en alla par la porte de la cour et donna la clef à madame Boche, en lui disant que si son cochon rentrait, elle eût l’obligeance de le coucher. Le chapelier l’attendait sous la porte, bien mis, sifflant un air. Elle avait sa robe de soie. Ils suivirent doucement le trottoir, serrés l’un contre l’autre, éclairés par les coups de lumière des boutiques, qui les montraient se parlant à demi-voix, avec un sourire.

Le café-concert était boulevard de Rochechouart, un ancien petit café qu’on avait agrandi sur une cour, par une baraque en planches. À la porte, un cordon de boules de verre dessinait un portique lumineux. De longues affiches, collées sur des panneaux de bois, se trouvaient posées par terre, au ras du ruisseau.

— Nous y sommes, dit Lantier. Ce soir, débuts de mademoiselle Amanda, chanteuse de genre.

Mais il aperçut Bibi-la-Grillade, qui lisait également l’affiche. Bibi avait un œil au beurre noir, quelque coup de poing attrapé la veille.

— Eh bien ! et Coupeau ? demanda le chapelier, en cherchant autour de lui, vous avez donc perdu Coupeau ?

— Oh ! il y a beau temps, depuis hier, répondit l’autre. On s’est allongé un coup de tampon, en sortant de chez la mère Baquet. Moi, je n’aime pas les jeux de mains… Vous savez, c’est avec le garçon de la mère Baquet qu’on a eu des raisons, par rapport à un litre qu’il voulait nous faire payer deux fois… Alors, j’ai filé, je suis allé schloffer un brin.

Il bâillait encore, il avait dormi dix-huit heures.