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Page:Zola - L'Assommoir.djvu/357

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L’ASSOMMOIR.

Il y eut un silence. Ce qui achevait de troubler Gervaise, c’était de sentir, derrière elle, la porte de la chambre de Goujet entr’ouverte. Le forgeron devait être là, elle le devinait ; et quel ennui, s’il écoutait tous ces reproches mérités, auxquels elle ne pouvait rien répondre ! Elle se faisait très souple, très douce, courbant la tête, posant le linge sur le lit le plus vivement possible. Mais ça se gâta encore, quand madame Goujet se mit à examiner les pièces une à une. Elle les prenait, les rejetait, en disant :

— Ah ! vous perdez joliment la main. On ne peut plus vous faire des compliments tous les jours… Oui, vous salopez, vous cochonnez l’ouvrage, à cette heure… Tenez, regardez-moi ce devant de chemise, il est brûlé, le fer a marqué sur les plis. Et les boutons, ils sont arrachés. Je ne sais pas comment vous vous arrangez, il ne reste jamais un bouton… Oh ! par exemple, voilà une camisole que je ne vous paierai pas. Voyez donc ça ? La crasse y est, vous l’avez étalée simplement. Merci ! si le linge n’est même plus propre…

Elle s’arrêta, comptant les pièces. Puis, elle s’écria :

— Comment ! c’est ce que vous apportez ?… Il manque deux paires de bas, six serviettes, une nappe, des torchons… Vous vous moquez de moi, alors ! Je vous ai fait dire de tout me rendre, repassé ou non. Si dans une heure votre apprentie n’est pas ici avec le reste, nous nous fâcherons, madame Coupeau, je vous en préviens.

À ce moment, Goujet toussa dans sa chambre. Gervaise eut un léger tressaillement. Comme on la traitait devant lui, mon Dieu ! Et elle resta au milieu de la chambre, gênée, confuse, attendant le linge sale. Mais, après avoir arrêté le compte, madame Goujet