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LES ROUGON-MACQUART.

poêle. Ils passèrent le reste de la nuit, à moitié endormis sur des chaises, achevant le litre entamé, embêtés et se boudant, comme si c’était de leur faute.

Vers sept heures, avant le jour, Coupeau se réveilla enfin. Quand il apprit le malheur, il resta l’œil sec d’abord, bégayant, croyant vaguement qu’on lui faisait une farce. Puis, il se jeta par terre, il alla tomber devant la morte ; et il l’embrassait, il pleurait comme un veau, avec de si grosses larmes, qu’il mouillait le drap en s’essuyant les joues. Gervaise s’était remise à sangloter, très touchée de la douleur de son mari, raccommodée avec lui ; oui, il avait le fond meilleur qu’elle ne le croyait. Le désespoir de Coupeau se mêlait à un violent mal aux cheveux. Il se passait les doigts dans les crins, il avait la bouche pâteuse des lendemains de culotte, encore un peu allumé malgré ses dix heures de sommeil. Et il se plaignait, les poings serrés. Nom de Dieu ! sa pauvre mère qu’il aimait tant, la voilà qui était partie ! Ah ! qu’il avait mal au crâne, ça l’achèverait ! Une vraie perruque de braise sur sa tête, et son cœur avec ça qu’on lui arrachait maintenant ! Non, le sort n’était pas juste de s’acharner ainsi après un homme !

— Allons, du courage, mon vieux, dit Lantier en le relevant. Il faut se remettre.

Il lui versait un verre de vin, mais Coupeau refusa de boire.

— Qu’est-ce que j’ai donc ? j’ai du cuivre dans le coco… C’est maman, c’est quand je l’ai vue, j’ai eu le goût du cuivre… Maman, mon Dieu ! maman, maman…

Et il recommença à pleurer comme un enfant. Il but tout de même le verre de vin, pour éteindre le feu qui lui brûlait la poitrine. Lantier fila bientôt, sous le prétexte d’aller prévenir la famille et de passer à la