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L’ASSOMMOIR.

Gervaise attendit pour dire à son tour :

— Nous ne sommes pas riches, bien sûr ; mais nous voulons encore nous conduire proprement… Si maman Coupeau ne nous a rien laissé, ce n’est pas une raison pour la jeter dans la terre comme un chien… Non, il faut une messe, avec un corbillard assez gentil…

— Et qui est-ce qui paiera ? demanda violemment madame Lorilleux. Pas nous, qui avons perdu de l’argent la semaine dernière ; pas vous non plus, puisque vous êtes ratissés… Ah ! vous devriez voir pourtant où ça vous a conduits, de chercher à épater le monde !

Coupeau, consulté, bégaya, avec un geste de profonde indifférence ; il se rendormait sur sa chaise. Madame Lerat dit qu’elle paierait sa part. Elle était de l’avis de Gervaise, on devait se montrer propre. Alors, toutes deux, sur un bout de papier, elles calculèrent : en tout, ça monterait à quatre-vingt-dix francs environ, parce qu’elles se décidèrent, après une longue explication, pour un corbillard orné d’un étroit lambrequin.

— Nous sommes trois, conclut la blanchisseuse. Nous donnerons chacun trente francs. Ce n’est pas la ruine.

Mais madame Lorilleux éclata, furieuse.

— Eh bien ! moi, je refuse, oui je refuse !… Ce n’est pas pour les trente francs. J’en donnerais cent mille, si je les avais, et s’ils devaient ressusciter maman… Seulement, je n’aime pas les orgueilleux. Vous avez une boutique, vous rêvez de crâner devant le quartier. Mais nous n’entrons pas là dedans, nous autres. Nous ne posons pas… Oh ! vous vous arrangerez. Mettez des plumes sur le corbillard, si ça vous amuse.

— On ne vous demande rien, finit par répondre Ger-