Aller au contenu

Page:Zola - L'Assommoir.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
384
LES ROUGON-MACQUART.

qu’elles reparurent. Nous sommes trop tristes, nous ne nous quitterons pas.

On mit le couvert sur l’établi. Chacun, en voyant les assiettes, songeait aux gueuletons qu’on avait faits là. Lantier était de retour. Lorilleux descendit. Un pâtissier venait d’apporter une tourte, car la blanchisseuse n’avait pas la tête à s’occuper de cuisine. Comme on s’asseyait, Boche entra dire que M. Marescot demandait à se présenter, et le propriétaire se présenta, très grave, avec sa large décoration sur sa redingote. Il salua en silence, alla droit au cabinet, où il s’agenouilla. Il était d’une grande piété ; il pria d’un air recueilli de curé, puis traça une croix en l’air, en aspergeant le corps avec la branche de buis. Toute la famille, qui avait quitté la table, se tenait debout, fortement impressionnée. M. Marescot, ayant achevé ses dévotions, passa dans la boutique et dit aux Coupeau :

— Je suis venu pour les deux loyers arriérés. Êtes-vous en mesure ?

— Non, monsieur, pas tout à fait, balbutia Gervaise, très contrariée d’entendre parler de ça devant les Lorilleux. Vous comprenez, avec le malheur qui nous arrive…

— Sans doute, mais chacun a ses peines, reprit le propriétaire en élargissant ses doigts immenses d’ancien ouvrier. Je suis bien fâché, je ne puis attendre davantage… Si je ne suis pas payé après-demain matin, je serai forcé d’avoir recours à une expulsion.

Gervaise joignit les mains, les larmes aux yeux, muette et l’implorant. D’un hochement énergique de sa grosse tête osseuse, il lui fit comprendre que les supplications étaient inutiles. D’ailleurs, le respect dû