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L’ASSOMMOIR.

tout est fini ; je n’ai plus rien à faire, moi, si tout est fini ! » Elle s’assit, elle avala une bouchée de pain et de fromage, vida un verre plein qu’elle trouva devant elle.

C’était, au rez-de-chaussée, une longue salle à plafond bas, occupée par deux grandes tables. Des litres, des quarts de pain, de larges triangles de brie sur trois assiettes, s’étalaient à la file. La société mangeait sur le pouce, sans nappe et sans couverts. Plus loin, près du poêle qui ronflait, les quatre croque-morts achevaient de déjeuner.

— Mon Dieu ! expliquait M. Madinier, chacun son tour. Les vieux font de la place aux jeunes… Ça va vous sembler bien vide, votre logement, quand vous rentrerez.

— Oh ! mon frère donne congé, dit vivement madame Lorilleux. C’est une ruine, cette boutique.

On avait travaillé Coupeau. Tout le monde le poussait à céder le bail. Madame Lerat elle-même, très bien avec Lantier et Virginie depuis quelque temps, chatouillée par l’idée qu’ils devaient avoir un béguin l’un pour l’autre, parlait de faillite et de prison, en prenant des airs effrayés. Et, brusquement, le zingueur se fâcha, son attendrissement tournait à la fureur, déjà trop arrosé de liquide.

— Écoute, cria-t-il dans le nez de sa femme, je veux que tu m’écoutes ! Ta sacrée tête fait toujours des siennes. Mais, cette fois, je suivrai ma volonté, je t’avertis !

— Ah bien ! dit Lantier, si jamais on la réduit par de bonnes paroles ! Il faudrait un maillet pour lui entrer ça dans le crâne.

Et tous deux tapèrent un instant sur elle. Ça n’empêchait pas les mâchoires de fonctionner. Le brie dis-