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L’ASSOMMOIR.

Et on lui indiquait du coin de l’œil les deux premières communiantes qui se fourraient le nez dans leurs verres pour ne pas rire. Par convenance, les hommes eux-mêmes avaient choisi jusque-là les mots distingués. Mais madame Lerat n’accepta pas la leçon. Ce qu’elle venait de dire, elle l’avait entendu dans les meilleures sociétés. D’ailleurs, elle se flattait de savoir sa langue ; on lui faisait souvent compliment de la façon dont elle parlait de tout, même devant des enfants, sans jamais blesser la décence.

— Il y a des femmes très bien parmi les fleuristes, apprenez ça ! criait-elle. Elles sont faites comme les autres femmes, elles n’ont pas de la peau partout, bien sûr. Seulement, elles se tiennent, elles choisissent avec goût, quand elles ont une faute à faire… Oui, ça leur vient des fleurs. Moi, c’est ce qui m’a conservée…

— Mon Dieu ! interrompit Gervaise, je n’ai pas de répugnance pour les fleurs. Il faut que ça plaise à Nana, pas davantage ; on ne doit pas contrarier les enfants sur la vocation… Voyons, Nana, ne fais pas la bête, réponds. Ça te plaît-il, les fleurs ?

La petite, penchée au-dessus de son assiette, ramassait des miettes de gâteau avec son doigt mouillé, qu’elle suçait ensuite. Elle ne se dépêcha pas. Elle avait son rire vicieux.

— Mais oui, maman, ça me plaît, finit-elle par déclarer.

Alors, l’affaire fut tout de suite arrangée. Coupeau voulut bien que madame Lerat emmenât l’enfant à son atelier, rue du Caire, dès le lendemain. Et la société parla gravement des devoirs de la vie. Boche disait que Nana et Pauline étaient des femmes, maintenant qu’elles avaient communié. Poisson ajoutait