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L’ASSOMMOIR.

tait drôle. Bibi-la-Grillade et Mes-Bottes, les côtes crevées de rire, appliquaient des claques sur les épaules de Gervaise, qui rigolait enfin, comme chatouillée et malgré elle ; et ils lui conseillaient d’imiter la grosse Eulalie, d’apporter ses fers et de repasser les oreilles de Coupeau sur le zinc des mastroquets.

— Ah bien ! merci, cria Coupeau qui retourna le verre d’anisette vidé par sa femme, tu nous pompes joliment ça ! Voyez donc, la coterie, ça ne lanterne guère.

— Madame redouble ? demanda Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif.

Non, elle en avait assez. Elle hésitait pourtant. L’anisette lui barbouillait le cœur. Elle aurait plutôt pris quelque chose de raide pour se guérir l’estomac. Et elle jetait des regards obliques sur la machine à soûler, derrière elle. Cette sacrée marmite, ronde comme un ventre de chaudronnière grasse, avec son nez qui s’allongeait et se tortillait, lui soufflait un frisson dans les épaules, une peur mêlée d’un désir. Oui, on aurait dit la fressure de métal d’une grande gueuse, de quelque sorcière qui lâchait goutte à goutte le feu de ses entrailles. Une jolie source de poison, une opération qu’on aurait dû enterrer dans une cave, tant elle était effrontée et abominable ! Mais ça n’empêchait pas, elle aurait voulu mettre son nez là dedans, renifler l’odeur, goûter à la cochonnerie, quand même sa langue brûlée aurait dû en peler du coup comme une orange.

— Qu’est-ce que vous buvez donc là ? demanda-t-elle sournoisement aux hommes, l’œil allumé par la belle couleur d’or de leurs verres.

— Ça, ma vieille, répondit Coupeau, c’est le camphre du papa Colombe… Fais pas la bête, n’est-ce pas ? On va t’y faire goûter.