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Page:Zola - L'Assommoir.djvu/489

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L’ASSOMMOIR.

le quartier s’embellissait à l’heure où elle-même tournait à la ruine. On n’aime pas, quand on est dans la crotte, recevoir un rayon en plein sur la tête. Aussi, les jours où elle cherchait Nana, rageait-elle d’enjamber des matériaux, de patauger le long des trottoirs en construction, de buter contre des palissades. La belle bâtisse du boulevard Ornano la mettait hors des gonds. Des bâtisses pareilles, c’était pour des catins comme Nana.

Cependant, elle avait eu plusieurs fois des nouvelles de la petite. Il y a toujours de bonnes langues qui sont pressées de vous faire un mauvais compliment. Oui, on lui avait conté que la petite venait de planter là son vieux, un beau coup de fille sans expérience. Elle était très bien chez ce vieux, dorlotée, adorée, libre même, si elle avait su s’y prendre. Mais la jeunesse est bête, elle devait s’en être allée avec quelque godelureau, on ne savait pas bien au juste. Ce qui semblait certain, c’était qu’une après-midi, sur la place de la Bastille, elle avait demandé à son vieux trois sous pour un petit besoin, et que le vieux l’attendait encore. Dans les meilleures compagnies, on appelle ça pisser à l’anglaise. D’autres personnes juraient l’avoir aperçue depuis, pinçant un chahut au Grand Salon de la Folie, rue de la Chapelle. Et ce fut alors que Gervaise s’imagina de fréquenter les bastringues du quartier. Elle ne passa plus devant la porte d’un bal sans entrer. Coupeau l’accompagnait. D’abord, ils firent simplement le tour des salles, en dévisageant les traînées qui se trémoussaient. Puis, un soir, ayant de la monnaie, ils s’attablèrent et burent un saladier de vin à la française, histoire de se rafraîchir et d’attendre voir si Nana ne viendrait pas. Au bout d’un mois, ils avaient oublié Nana, ils se