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Page:Zola - L'Assommoir.djvu/503

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L’ASSOMMOIR.

de son enthousiasme pour les petits trognons bien mis la boutique d’épicerie fine, mangée déjà aux trois quarts, et où soufflait une odeur de ruine. Oui, il n’avait plus que quelques pralines à croquer, quelques sucres d’orge à sucer, pour nettoyer le commerce des Poisson. Tout d’un coup, il aperçut, sur le trottoir d’en face, le sergent de ville qui était de service et qui passait boutonné, l’épée battant la cuisse. Et ça l’égaya davantage. Il força Virginie à regarder son mari.

— Ah bien ! murmura-t-il, il a une bonne tête ce matin, Badingue !… Attention ! il serre trop les fesses, il a dû se faire coller un œil de verre quelque part, pour surprendre son monde.

Quand Gervaise remonta chez elle, elle trouva Coupeau assis au bord du lit, dans l’hébétement d’une de ses crises. Il regardait le carreau de ses yeux morts. Alors, elle s’assit elle-même sur une chaise, les membres cassés, les mains tombées le long de sa jupe sale. Et, pendant un quart d’heure, elle resta en face de lui, sans rien dire.

— J’ai eu des nouvelles, murmura-t-elle enfin. On a vu ta fille… Oui, ta fille est très chic et n’a plus besoin de toi. Elle est joliment heureuse, celle-là, par exemple !… Ah ! Dieu de Dieu ! je donnerais gros pour être à sa place.

Coupeau regardait toujours le carreau. Puis, il leva sa face ravagée, il eut un rire d’idiot, en bégayant :

— Dis donc, ma biche, je ne te retiens pas… T’es pas encore trop mal, quand tu te débarbouilles. Tu sais, comme on dit, il n’y a pas si vieille marmite qui ne trouve son couvercle… Dame ! si ça devait mettre du beurre dans les épinards !