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L’ASSOMMOIR.

sur son étroit lit de sangle, le drap au menton, très pâle. Elle couchée, par exemple ! elle était donc bien malade !

— Qu’est-ce que vous avez ? répéta Gervaise, inquiète.

Lalie ne se plaignit plus. Elle souleva lentement ses paupières blanches, et voulut sourire de ses lèvres qu’un frisson convulsait.

— Je n’ai rien, souffla-t-elle très bas, oh ! bien vrai, rien du tout.

Puis, les yeux refermés, avec un effort :

— J’étais trop fatiguée tous ces jours-ci, alors je fiche la paresse, je me dorlote, vous voyez.

Mais son visage de gamine, marbré de taches livides, prenait une telle expression de douleur suprême, que Gervaise, oubliant sa propre agonie, joignit les mains et tomba à genoux près d’elle. Depuis un mois, elle la voyait se tenir aux murs pour marcher, pliée en deux par une toux qui sonnait joliment le sapin. La petite ne pouvait même plus tousser. Elle eut un hoquet, des filets de sang coulèrent aux coins de sa bouche.

— Ce n’est pas ma faute, je ne me sens guère forte, murmura-t-elle comme soulagée. Je me suis traînée, j’ai mis un peu d’ordre… C’est assez propre, n’est-ce pas ?… Et je voulais nettoyer les vitres, mais les jambes m’ont manqué. Est-ce bête ! Enfin, quand on a fini, on se couche.

Elle s’interrompit, pour dire :

— Voyez donc si mes enfants ne se coupent pas avec leurs ciseaux.

Et elle se tut, tremblante, écoutant un pas lourd qui montait l’escalier. Brutalement, le père Bijard poussa la porte. Il avait son coup de bouteille comme à l’ordinaire, les yeux flambant de la folie furieuse du